Enseignants ou anciens élèves de grandes écoles et autres filières sélectives de l’enseignement supérieur, nous demandons que soit mis en place sans attendre un service civique obligatoire de six mois dans ces cursus.

 

  Nos arguments en 7 points

 

 1.       Dans le contexte actuel, le rappel des principes républicains ne peut suffire.

 

Compartimentage social, replis identitaires, désillusion d’une partie des citoyens, désespoir d’une large frange de la jeunesse française : pouvons-nous encore nous contenter des appels incantatoires et vains au « vivre-ensemble », ravivés par les attentats de 2015 et 2016 ? Certes, des initiatives concrètes existent. Elles restent néanmoins individuelles et locales. Il est urgent de faire émerger des dispositifs à l’échelle du pays, volontaristes, incarnés, sources de partages concrets et d’expériences communes entre citoyens de tous horizons, milieux, générations.

 

 2.       Sur le plan économique et social, la crise persistante s’accompagne d’une perte de confiance envers les responsables politiques et économiques, issus pour bon nombre d’entre eux de filières sélectives de formation et en particulier des grandes écoles.

 

Cette défiance s’exprime de différentes manières : par un désengagement électoral massif ; par le mal-être d’un certain nombre de salariés dans l’entreprise, dans la fonction publique, mais aussi des professions libérales. En cause : la perception d’un décalage entre les préoccupations de ces responsables, les solutions qu’ils proposent et la réalité des difficultés éprouvées sur le terrain. Le diagnostic de ce « décalage » doit conduire à faire évoluer rapidement et en profondeur les filières de formation de ces futurs responsables.

 

 3.       Des dispositifs concrets, ancrés dans la société française, doivent prendre forme pour retisser du lien.

 

Notre société civile doit se transformer. Reprendre corps. Il nous faut en premier lieu retisser du lien. L’engagement citoyen est un ingrédient essentiel de cette transformation. Les grandes écoles, en tant que terreau de formation des cadres, responsables et décideurs de demain, peuvent et doivent jouer un rôle majeur dans ce chantier de brassage et de ré-oxygénation de notre société.

 

 4.       L’ouverture sociale des grandes écoles peut et doit aller plus loin, malgré tous les efforts entrepris depuis quinze ans (Conventions d’Education Prioritaire à Sciences Po, dispositif « Cordées de la Réussite »)

 

Dépendante d’un volontarisme inégal selon les établissements, l’ouverture sociale est à sens unique : elle reste principalement pensée aujourd’hui en termes de diversification du recrutement. Les étudiants évoluent socialement en vase clos, certains depuis l’enfance. Une partie d’entre eux ne sera jamais, ou si peu, exposée à d’autres manières d’être, de penser, de faire, de vivre et parfois de survivre. Certains ne seront jamais sensibilisés à leur responsabilité individuelle et sociale dans leur formation. L’engagement associatif dans les grandes écoles demeure, lui, facultatif. Avec le service civique, ce n’est plus seulement le cursus de formation qui s’ouvre aux élèves, mais les élèves qui s’ouvrent eux-mêmes par leur cursus. Durant cette étape de vie de six mois, intégrée à une année de césure, les étudiants iront à la rencontre d’autres citoyens, d’autres jeunes avec d’autres parcours, auprès des membres les plus engagés et des membres les plus vulnérables de notre société.

 

 5.       Ce dispositif veut permettre aussi et autrement la mobilité sociale des jeunes moins favorisés, participer plus largement à l’émergence d’une génération engagée.

 

Un « pacte d’engagement civique » créerait des binômes engagés : chaque structure associative ou publique qui intègre un étudiant de grande école pour son service civique obligatoire intègre, pour la même période, un jeune candidat au service civique volontaire issu d’un cursus différent. A terme, ce dispositif favorisera l’accès au service civique volontaire d’au moins 65 000 jeunes d’autres cursus (en particulier études infra bac ou bac+2, ou issus de quartiers prioritaires). C’est, pour eux aussi, l’opportunité d’une expérience humaine, citoyenne et professionnelle valorisante, valorisable dans un CV, d’une rencontre avec des jeunes de tous les milieux. C’est le creuset d’un enrichissement mutuel (entre les jeunes, entre les jeunes et l’institution accueillante), par l’expérience vécue en commun.

 

 6.       Cette proposition n’est ni un dispositif « des élites pour les élites », ni un dispositif « contre les élites », qui les prendrait pour cible de manière démagogique.

 

En réalisant son service civique dans le même cadre que n’importe quel autre candidat, celui posé par la loi du 10 mars 2010 et géré par l’Agence du Service Civique, l’élève de grande école est un jeune comme les autres, parmi les autres. Il offre simplement « quelque chose », en retour à la société et à l’Etat qui participent au financement de ses études.

 

 7.       Un service civique obligatoire dans les grandes écoles renforcera la force de proposition et la capacité d’engagement des responsables de demain.

 

Quels que soient leurs choix d’orientation future, simples cadres ou décideurs, investis localement ou internationalement, les étudiants développeront le goût et le sens de l’engagement par le service civique. Cette expérience dans nos collèges, nos quartiers, nos associations, leur apportera un éclairage concret et nécessaire sur la société française, sur ses inégalités, sur ses dysfonctionnements, sur le quotidien de ses membres les plus vulnérables. Elle pourra leur inspirer les solutions à mettre en œuvre, la force de proposition nécessaire lorsqu’ils seront responsables au sein de nos entreprises et institutions.

 

Valorisé dans le cursus de formation par une soutenance et des crédits ECTS dédiés, le service civique validera, au-delà des savoirs théoriques et techniques, l’acquisition des savoir-être indispensables à tout leader à son échelle : l’humilité, l’empathie, la capacité à échanger, à se remettre en cause, à faire confiance à l’autre, à penser hors du cadre.

 

 Un service civique obligatoire dans les grandes écoles est réalisable financièrement et logistiquement : les modalités proposées ici (pilotage centralisé pour l’ensemble des grandes écoles, six mois intégrés à une année de césure généralisée) faciliteront sa mise en oeuvre dans tous les établissements concernés.

 

 Quel sera le coût d’un sentiment persistant de décalage entre les préoccupations des citoyens et celles de leurs décisionnaires ?

 

Tout aujourd’hui appelle à un travail de fond, à des engagements concrets.

 

Un service civique obligatoire dans toutes les grandes écoles, et plus largement les autres filières sélectives de l’enseignement supérieur, ne constitue qu’une partie de la réponse.

 

Une partie, à notre sens, incontournable.

 

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